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l’âme, c’est après la mort, c’est-à-dire après que... d’où la gêne de tous les auteurs qui ont parlé
d’une immortalité de l’âme. Leur gêne c’est quoi ? c’est que l’immortalité de l’âme ne peut être
appréhendée ou ne peut être conçue que sous les espèces encore temporelles d’un avant
et d’un après. Et c’est déjà tout le thème du Phédon qui porte sur l’immortalité de l’âme chez
Platon. Le dialogue de Platon du Phédon lance une grande doctrine de l’immortalité de l’âme
précisément sous la forme de l’avant et de l’après : avant l’union et après l’union.
Lorsque Spinoza oppose son éternité à l’immortalité, on voit très bien ce qu’il veut dire. Du
point de vue de l’immortalité, si vous voulez, je peux savoir que l’âme est immortelle. Mais en
quoi consiste l’immortalité ? ça consiste à dire que je sais, par exemple, je sais - alors de quel
savoir, ça c’est autre chose -, mais je sais que mon âme ne meurt pas avec mon corps. Même
si j’admets l’idée platonicienne que c’est là un savoir, je ne sais pas sous quelle forme, et tous
le disent. Pourquoi ? Parce que l’immortalité semble bien exclure l’avant et l’après, par là est
déjà une éternité, mais précisément elle ne peut être sûre ou connue que sous les espèces de
l’avant et de l’après. Et Descartes encore le dira, sous quelle forme ? Que l’âme soit immor-
telle, ça je peux dire « j’en suis sûr », selon Descartes. Mais sous quelle forme ? je n’en sais
rien. Je peux tout au plus affirmer qu’il y a un avant et qu’il y a un après ; que l’âme n’est pas
née avec le corps et qu’elle ne meurt pas avec le corps. Je peux affirmer le « que », je ne peux
pas affirmer le « ce que » ou le « comment ». Il faudrait une intuition intellectuelle, comme ils
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disent, or on n’a pas l’intuition intellectuelle. Très bien.
Spinoza ce n’est pas comme ça qu’il pose le problème, parce que pour lui, le problème, ce n’est
pas du tout un « avant » et un « après », c’est un « en même temps que ». Je veux dire que
c’est en même temps que je suis mortel que j’expérimente que je suis éternel. Et expérimenter
que je suis éternel ça ne veut pas dire qu’il y a un avant, qu’il y a eu un avant et qu’il y aura un
après ; ça veut dire que dès maintenant j’expérimente quelque chose qui ne peut pas être
sous la forme du temps. Et qu’est-ce que c’est qui ne peut pas être sous la forme du temps ?
À savoir, qu’il y a deux sens absolument opposés du mot partie. À savoir, il y a des parties que
j’ai, ce sont les parties extensives, extérieures les unes aux autres, et celles-là je les ai sur le
mode du temps. En effet je les ai provisoirement, je les ai dans la durée, je les ai sur le mode du
temps. C’est des parties extérieures les unes aux autres, des parties extensives que j’ai. Bon.
Mais lorsque je dis « parties intensives », je veux dire quelque chose de complètement diffé-
rent. Les deux sens du mot « parties » différent en nature, parce que lorsque je dis « parties
intensives » (= essence), ce n’est plus une partie que j’ai, ce n’est plus des parties que j’ai,
c’est une partie que je suis. Je suis un degré de puissance, je suis partie intensive, je suis une
partie intensive et les autres essences sont aussi des parties intensives. Parties de quoi ? Eh
bien, parties de la puissance de Dieu, dit Spinoza. Il parle comme ça, très bien. Expérimenter
que je suis éternel c’est expérimenter que « parties », au sens intensif, coexiste et diffère en
nature de « parties » au sens extrinsèque, extensif.
L’important comme critère de proportionnalité ?
J’expérimente ici et maintenant que je suis éternel, c’est à dire que je suis une partie intensive
ou un degré de puissance irréductible aux parties extensives que j’ai, que je possède. Si bien
que lorsque les parties extensives me sont arrachées (= mort), ça ne concerne pas la partie
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