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grands et des petits juifs. Comme nous avons eu deja l'occasion de le dire dans cette histoire, la caste
financiere, universellement execree et souverainement puissante, se composait de chretiens et de juifs. Les
juifs qui en faisaient partie, et sur lesquels le peuple ramassait toute sa haine, etaient les grands juifs; ils
possedaient d'immenses biens et detenaient, disait-on, plus d'un cinquieme de la fortune pingouine. En dehors
de cette caste redoutable, il se trouvait une multitude de petits juifs d'une condition mediocre, qui n'etaient pas
plus aimes que les grands et beaucoup moins craints. Dans tout Etat police, la richesse est chose sacree; dans
les democraties elle est la seule chose sacree. Or l'Etat pingouin etait democratique; trois ou quatre
compagnies financieres y exercaient un pouvoir plus etendu et surtout plus effectif et plus continu que celui
des ministres de la republique, petits seigneurs qu'elles gouvernaient secretement, qu'elles obligeaient, par
intimidation ou par corruption, a les favoriser aux depens de l'Etat, et qu'elles detruisaient par les calomnies de
la presse, quand ils restaient honnetes. Malgre le secret des caisses, il en paraissait assez pour indigner le pays,
mais les bourgeois pingouins, des plus gros aux moindres, concus et enfantes dans le respect de l'argent, et qui
tous avaient du bien, soit beaucoup, soit peu, sentaient fortement la solidarite des capitaux et comprenaient
que la petite richesse n'est assuree que par la surete de la grande. Aussi concevaient-ils pour les milliards
israelites comme pour les milliards chretiens un respect religieux et, l'interet etant plus fort chez eux que
l'aversion, ils eussent craint autant que la mort de toucher a un seul des cheveux de ces grands juifs qu'ils
execraient. Envers les petits, ils se sentaient moins verecondieux, et s'ils voyaient quelqu'un de ceux-la a
terre, ils le trepignaient. C'est pourquoi la nation entiere apprit avec un farouche contentement que le traitre
etait un juif, mais petit. On pouvait se venger sur lui de tout Israel, sans craindre de compromettre le credit
public.
Que Pyrot eut vole les quatre-vingt mille bottes de foin, personne autant dire n'hesita un moment a le croire.
On ne douta point, parce que l'ignorance ou l'on etait de cette affaire ne permettait pas le doute qui a besoin de
motifs, car on ne doute pas sans raisons comme on croit sans raisons. On ne douta point parce que la chose
etait partout repetee et qu'a l'endroit du public repeter c'est prouver. On ne douta point parce qu'on desirait que
Pyrot fut coupable et qu'on croit ce qu'on desire, et parce qu'enfin la faculte de douter est rare parmi les
hommes; un tres petit nombre d'esprits en portent en eux les germes, qui ne se developpent pas sans culture.
Elle est singuliere, exquise, philosophique, immorale, transcendante, monstrueuse, pleine de malignite,
dommageable aux personnes et aux biens, contraire a la police des Etats et a la prosperite des empires, funeste
a l'humanite, destructive des dieux, en horreur au ciel et a la terre. La foule des Pingouins ignorait le doute:
elle eut foi dans la culpabilite de Pyrot, et cette foi devint aussitot un des principaux articles de ses croyances
nationales et une des verites essentielles de son symbole patriotique.
Pyrot fut juge secretement et condamne.
Le general Panther alla aussitot informer le ministre de la guerre de l'issue du proces.
 Par bonheur, dit-il, les juges avaient une certitude, car il n'y avait pas de preuves.
 Des preuves, murmura Greatauk, des preuves, qu'est-ce que cela prouve? Il n'y a qu'une preuve certaine,
irrefragable: les aveux du coupable. Pyrot a-t-il avoue?
CHAPITRE II. PYROT 87
L'ile Des Pingouins
 Non, mon general.
 Il avouera: il le doit. Panther, il faut l'y resoudre; dites-lui que c'est son interet. Promettez-lui que, s'il
avoue, il obtiendra des faveurs, une reduction de peine, sa grace; promettez-lui que, s'il avoue, on reconnaitra
son innocence; on le decorera. Faites appel a ses bons sentiments. Qu'il avoue par patriotisme, pour le
drapeau, par ordre, par respect de la hierarchie, sur commandement special du ministre de la guerre,
militairement.... Mais dites-moi, Panther, est-ce qu'il n'a pas deja avoue? Il y a des aveux tacites; le silence
est un aveu.
 Mais, mon general, il ne se tait pas; il crie comme un putois qu'il est innocent.
 Panther, les aveux d'un coupable resultent parfois de la vehemence de ses denegations. Nier desesperement
c'est avouer. Pyrot a avoue; il nous faut des temoins de ses aveux, la justice l'exige.
Il y avait dans la Pingouinie occidentale un port de mer nomme La Crique, forme de trois petites anses,
autrefois frequentees des navires, maintenant ensablees et desertes; des lagunes recouvertes de moisissures
s'etendaient tout le long des cotes basses, exhalant une odeur empestee, et la fievre planait sur le sommeil des
eaux. La, s'elevait au bord de la mer une haute tour carree, semblable a l'ancien Campanile de Venise, au flanc
de laquelle, pres du laite, au bout d'une chaine attachee a une poutre transversale, pendait une cage a claire
voie dans laquelle, au temps des Draconides, les inquisiteurs d'Alca mettaient les clercs heretiques. Dans cette
cage, vide depuis trois cents ans, Pyrot fut enferme, sous la garde de soixante argousins qui, loges dans la tour,
ne le perdaient de vue ni jour ni nuit, epiant ses aveux, pour en faire, a tour de role, un rapport au ministre de
la guerre, car, scrupuleux et prudent, Greatauk voulait des aveux et des suraveux. Greatauk, qui passait pour
un imbecile, etait, en realite, plein de sagesse et d'une rare prevoyance.
Cependant Pyrot, brule du soleil, devore de moustiques, trempe de pluie, de grele et de neige, glace de froid,
secoue furieusement par la tempete, obsede par les croassements sinistres des corbeaux perches sur sa cage,
ecrivait son innocence sur des morceaux de sa chemise avec un cure-dents trempe de sang. Ces chiffons se
perdaient dans la mer ou tombaient aux mains des geoliers. Quelques-uns pourtant furent mis sous les yeux
du public. Mais les protestations de Pyrot ne touchaient personne, puisqu'on avait publie ses aveux.
CHAPITRE III. LE COMTE DE MAUBEC DE LA DENTDULYNX
Les moeurs des petits juifs n'etaient pas toujours pures; le plus souvent, ils ne se refusaient a aucun des vices
de la civilisation chretienne, mais ils gardaient de l'age patriarcal la reconnaissance des liens de famille et
l'attachement aux interets de la tribu. Les freres, demi-freres, oncles, grands-oncles, cousins et
petits-cousins, neveux et petits-neveux, agnats et cognats de Pyrot, au nombre de sept cents, d'abord accables
du coup qui frappait un des leurs, s'enfermerent dans leurs maisons, se couvrirent de cendre et, benissant la
main qui les chatiait, durant quarante jours garderent un jeune austere. Puis ils prirent un bain et resolurent de
poursuivre, sans repos, au prix de toutes les fatigues, a travers tous les dangers, la demonstration d'une
innocence dont ils ne doutaient pas. Et comment en eussent-ils doute? L'innocence de Pyrot leur etait revelee
comme etait revele son crime a la Pingouinie chretienne; car ces choses, etant cachees, revetaient un caractere
mystique et prenaient l'autorite des verites religieuses. Les sept cents pyrots se mirent a l'oeuvre avec autant
de zele que de prudence et firent secretement des recherches approfondies. Ils etaient partout; on ne les voyait
nulle part; on eut dit que, comme le pilote d'Ulysse, ils cheminaient librement sous terre. Ils penetrerent dans
les bureaux de la guerre, approcherent, sous des deguisements, les juges, les greffiers, les temoins de l'affaire. [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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