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tout artificielle. Comme il a exaspéré l'indépendance de l'entendement dans un
cas comme dans l'autre, comme il a allégé la métaphysique et la science de l'
Henri Bergson, La pensée et le mouvant Essais et conférences. 121
« intuition intellectuelle » qui les lestait intérieurement, la science ne lui
présente plus, avec ses relations, qu'une pellicule de forme, et la métaphy-
sique, avec ses choses, qu'une pellicule de matière. Est-il étonnant que la
première ne lui montre alors que des cadres emboîtés dans des cadres, et la
seconde des fantômes qui courent après des fantômes ?
Il a porté à notre science et à notre métaphysique des coups si rudes
qu'elles ne sont pas encore tout à fait revenues de leur étourdissement.
Volontiers notre esprit se résignerait à voir dans la science une connaissance
toute relative, et dans la métaphysique une spéculation vide. Il nous semble,
aujourd'hui encore, que la critique kantienne s'applique à toute métaphysique
et à toute science. En réalité, elle s'applique surtout à la philosophie des
anciens, comme aussi à la forme  encore antique  que les modernes ont
laissée le plus souvent à leur pensée. Elle vaut contre une métaphysique qui
prétend nous donner un système unique et tout fait de choses, contre une
science qui serait un système unique de relations, enfin contre une science et
une métaphysique qui se présenteraient avec la simplicité architecturale de la
théorie platonicienne des Idées, ou d'un temple grec. Si la métaphysique
prétend se constituer avec des concepts que nous possédions avant elle, si elle
consiste dans un arrangement ingénieux d'idées préexistantes que nous
utilisons comme des matériaux de construction pour un édifice, enfin si elle
est autre chose que la constante dilatation de notre esprit, l'effort toujours
renouvelé pour dépasser nos idées actuelles et peut-être aussi notre logique
simple, il est trop évident qu'elle devient artificielle comme toutes les Suvres
de pur entendement. Et si la science est tout entière Suvre d'analyse ou de
représentation conceptuelle, si l'expérience n'y doit servir que de vérification à
des « idées claires », si, au lieu de partir d'intuitions multiples, diverses, qui
s'insèrent dans le mouvement propre de chaque réalité mais ne s'emboîtent pas
toujours les unes dans les autres, elle prétend être une immense mathématique,
un système unique de relations qui emprisonne la totalité du réel dans un filet
monté d'avance, elle devient une connaissance purement relative à l'entende-
ment humain. Qu'on lise de près la Critique de la raison pure, on verra que
c'est cette espèce de mathématique universelle qui est pour Kant la science, et
ce platonisme à peine remanié qui est pour lui la métaphysique. À vrai dire, le
rêve d'une mathématique universelle n'est déjà lui-même qu'une survivance du
platonisme. La mathématique universelle, c'est ce que devient le monde des
Idées quand on suppose que l'Idée consiste dans une relation ou dans une loi,
et non plus dans une chose. Kant a pris pour une réalité ce rêve de quelques
philosophes modernes 1 : bien plus, il a cru que toute connaissance scientifi-
que n'était qu'un fragment détaché, ou plutôt une pierre d'attente de la
mathématique universelle. Dès lors, la principale tâche de la Critique était de
fonder cette mathématique, c'est-à-dire de déterminer ce que doit être l'intelli-
gence et ce que doit être l'objet pour qu'une mathématique ininterrompue
puisse les relier l'un à l'autre. Et, nécessairement, si toute expérience possible
est assurée d'entrer ainsi dans les cadres rigides et déjà constitués de notre
entendement, c'est (à moins de supposer une harmonie préétablie) que notre
entendement organise lui-même la nature et s'y retrouve comme dans un
miroir. D'où la possibilité de la science, qui devra toute son efficacité à sa
1
Voir à ce sujet, dans les Philosophische Studien de WUNDT (Vol. IX, 1894), un très
intéressant article de RADULESCU-MOTRU, Zur Entwickelung von Kant's Theorie der
Naturcausalität.
Henri Bergson, La pensée et le mouvant Essais et conférences. 122
relativité, et l'impossibilité de la métaphysique, puisque celle-ci ne trouvera
plus rien à faire qu'à parodier, sur des fantômes de choses, le travail d'arran-
gement conceptuel que la science poursuit sérieusement sur des rapports. Bref,
toute la Critique de la raison pure aboutit à établir que le platonisme,
illégitime si les Idées sont des choses, devient légitime si les idées sont des
rapports, et que l'idée toute faite, une fois ramenée ainsi du ciel sur la terre,
est bien, comme l'avait voulu Platon, le fond commun de la pensée et de la
nature. Mais toute la Critique de la Raison pure repose aussi sur ce postulat
que notre pensée est incapable d'autre chose que de platoniser, c'est-à-dire de
couler toute expérience possible dans des moules préexistants.
Là est toute la question. Si la connaissance scientifique est bien ce qu'a
voulu Kant, il y a une science simple, préformée et même préformulée dans la
nature, ainsi que le croyait Aristote : de cette logique immanente aux choses
les grandes découvertes ne font qu'illuminer point par point la ligne tracée
d'avance, comme on allume progressivement, un soir de fête, le cordon de gaz
qui dessinait déjà les contours d'un monument. Et si la connaissance méta-
physique est bien ce qu'a voulu Kant, elle se réduit à l'égale possibilité de
deux attitudes opposées de l'esprit devant tous les grands problèmes ; ses
manifestations sont autant d'options arbitraires, toujours éphémères, entre
deux solutions formulées virtuellement de toute éternité : elle vit et elle meurt
d'antinomies. Mais la vérité est que ni la science des modernes ne présente
cette simplicité unilinéaire, ni la métaphysique des modernes ces oppositions
irréductibles.
La science moderne n'est ni une ni simple. Elle repose, je le veux bien, sur
des idées qu'on finit par trouver claires ; mais ces idées, quand elles sont
profondes, se sont éclairées progressivement par l'usage qu'on en a fait ; elles
doivent alors la meilleure part de leur luminosité à la lumière que leur ont
renvoyée, par réflexion, les faits et les applications où elles ont conduit, la
clarté d'un concept n'étant guère autre chose, alors, que l'assurance une fois
contractée de le manipuler avec profit. À l'origine, plus d'une d'entre elles a dû
paraître obscure, malaisément conciliable avec les concepts déjà admis dans la
science, tout près de frôler l'absurdité. C'est dire que la science ne procède pas
par emboîtement régulier de concepts qui seraient prédestinés à s'insérer avec
précision les uns dans les autres. Les idées profondes et fécondes sont autant
de prises de contact avec des courants de réalité qui ne convergent pas néces-
sairement sur un même point. Il est vrai que les concepts où elles se logent
arrivent toujours, en arrondissant leurs angles par un frottement réciproque, à
s'arranger tant bien que mal entre eux.
D'autre part, la métaphysique des modernes n'est pas faite de solutions
tellement radicales qu'elles puissent aboutir à des oppositions irréductibles. Il
en serait ainsi, sans doute, s'il n'y avait aucun moyen d'accepter en même
temps, et sur le même terrain, la thèse et l'antithèse des antinomies. Mais
philosopher consiste précisément à se placer, par un effort d'intuition, à l'inté-
rieur de cette réalité concrète sur laquelle la Critique vient prendre du dehors
les deux vues opposées, thèse et antithèse. Je n'imaginerai jamais comment du
blanc et du noir s'entrepénètrent si je n'ai pas vu de gris, mais je comprends
sans peine, une fois que j'ai vu le gris, comment on peut l'envisager du double
point de vue du blanc et du noir. Les doctrines qui ont un fond d'intuition
échappent à la critique kantienne dans l'exacte mesure où elles sont intuitives ; [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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